27/11/2014
Michael Cuscuna, icône du disque de jazz
On ne croise pas tous les mercredis des éminences du calibre de Michael Cuscuna. Né en 1949 dans le Connecticut, le co-fondateur du label Mosaïc Records en 1981, a intégré la firme Blue Note en 1975. Successeur de Francis Wolff depuis 1984, le producteur anime les enregistrements de la maison restée légendaire. Avec un niveau d'exigence supérieur. Les spécialistes l'ont surnommé L'Empereur du Vinyle, pour l'oeuvre de reédition sur Mosaïc, des coffrets hauts-de-gamme, édités à quelques milliers d'exemplaires... que l'amateur s'arrache. En quelques mois les sorties sont épuisées. Grâce à l'Américain, j'ai notamment découvert les prodigieuses petites formations de Buddy Rich, avec les randonnées inouïes du saxophoniste ténor Flip Philips (épuisé).
Le Festival international de Jazz de Montréal a honoré en 2012 l'acteur essentiel de la diffusion (et du développement) du prix Bruce-Lundvall. Que l'on se souvienne de la reédition des pièces enchanteresses du piano trio de Nat King Cole, sur le label CAPITOL. La sortie valut unGrammy à Cuscuna (il en compte trois). Depuis les années 80, le jazz bénéficie d'un Reissue Boom, un regain indémenti pour les enregistrements anciens. Du pain blanc pour l'archiviste du disque. Notons que les reéditions sortent à la fois en vinyle et en CD.
Dans le cadre du Blue Note Xperia Lounge Festival organisé par la compagnie UNIVERSAL pour les 75 ans du label, Cuscuna signait dans la galerie Yellow KornerPompidou un ouvrage exceptionnel (et de poids!). Les magasins de l'enseigne exposent les joyaux (dans des formats variés), présentées dans le livre The Blue Note photographs of Francis Wolff. Il s'agit de clichés pris par le producteur pendant les sessions de son label mythique, cela depuis 1939. Les 150 photos noir et blanc font partie de l'histoire. Elles appartiennent désormais à la culture de tout amateur de jazz. Et à l'imaginaire collectif.
INTERVIEW DE MICHAEL CUSCUNA
Collectionner les vinyles peut-il devenir une drogue?
Absolument. Vous êtes normal, vous aimez raisonnablement Gene Ammons? Vous vous leverez quand même un matin en vous promettant de vous procurer l'intégrale des enregistrements du grand saxophoniste. L'addiction démarre ainsi. L'amateur qui possèdera les vinyles au complet voudra néanmoins acquérir les coffrets MOSAÏC. Si un coffret est épuisé, comme par exemple le Sonny Clarck, vous me supplierez par mail de le reéditer. Pourquoi "the Mosaïc Way"? A cause de la précision des dates, du livret documenté, des photos. Enfin, il existe des amateurs du concept Mosaïc qui font abstraction des goûts musicaux. J'ai du mal à croire que les 800 personnes qui achètent le jour de leur sortie à la fois le coffret Jimmie Lunceford et celui de Henry Threadgill, sont des fans des deux?
Alors le vinyle va rester?
Il ne mourra pas : il est trop agréable ("gentle to the ears") à écouter. Mais le CD, d'une façon générale, pousse aussi à une recherche documentaire qui éclaire la musique éditée. Avec la publication des inédits. Lui aussi va rester. Même si après 20 mn j'en ai marre. Je suis habitué au son plus doux du vinyle.
On connaît toutes les photos?
Oui mais pas toutes les perspectives. Voyez la sublime posture de John Coltrane sur la pochette de Blue Train. On possède un plan plus large. Quelle émotion! Pareil pour la couverture du disque No Room for Squares, de Hank Mobley. J'ignorais la perspective complète. Quelle heureuse surprise de la découvrir!
Que représente la photo?
L'instant d'une création importante pour la personne qui aime la session. L'image ajoute de l'histoire à l'enregistrement. La photo confère une autre forme de vie à l'enregistrement. Regardez la pochette de Blue Train. Admettez-le, nous sommes dans la poésie pure.
Le genre des notes au dos des pochettes, devenues livrets avec le CD, a-t-il évolué?
Effectivement. La grande réussite des notes d'un Nat Hentoff, ou d'un Robert Levin fut de laisser s'exprimer les artistes sur leurs musique. A mon sens, les citations des musiciens, leurs points de vue sur les créations, constituaient à elles seules un genre. Aujourd'hui l'attente du connaisseur se porte davantage sur les ressorts d'une session, sur les nouvelles informations, sur un surcroît de recherche. Il y a aussi la percussion des analyses. Je pense aux éclairages d'Ashley Kahn sur Miles Davis ou Coltrane. Le lecteur bénéficie d'une connaissance fine et meilleure des jazzmen.
Vous pouvez citer les projets en cours?
Nous travaillons sur l'intégrale des sessions DIAL, peu répandues, trop dispersées. Nous proposerons deux coffrets : un sur les années 40, un autre sur les années 50.
Le Festival international de Jazz de Montréal a honoré en 2012 l'acteur essentiel de la diffusion (et du développement) du prix Bruce-Lundvall. Que l'on se souvienne de la reédition des pièces enchanteresses du piano trio de Nat King Cole, sur le label CAPITOL. La sortie valut unGrammy à Cuscuna (il en compte trois). Depuis les années 80, le jazz bénéficie d'un Reissue Boom, un regain indémenti pour les enregistrements anciens. Du pain blanc pour l'archiviste du disque. Notons que les reéditions sortent à la fois en vinyle et en CD.
Dans le cadre du Blue Note Xperia Lounge Festival organisé par la compagnie UNIVERSAL pour les 75 ans du label, Cuscuna signait dans la galerie Yellow KornerPompidou un ouvrage exceptionnel (et de poids!). Les magasins de l'enseigne exposent les joyaux (dans des formats variés), présentées dans le livre The Blue Note photographs of Francis Wolff. Il s'agit de clichés pris par le producteur pendant les sessions de son label mythique, cela depuis 1939. Les 150 photos noir et blanc font partie de l'histoire. Elles appartiennent désormais à la culture de tout amateur de jazz. Et à l'imaginaire collectif.
INTERVIEW DE MICHAEL CUSCUNA
Collectionner les vinyles peut-il devenir une drogue?
Absolument. Vous êtes normal, vous aimez raisonnablement Gene Ammons? Vous vous leverez quand même un matin en vous promettant de vous procurer l'intégrale des enregistrements du grand saxophoniste. L'addiction démarre ainsi. L'amateur qui possèdera les vinyles au complet voudra néanmoins acquérir les coffrets MOSAÏC. Si un coffret est épuisé, comme par exemple le Sonny Clarck, vous me supplierez par mail de le reéditer. Pourquoi "the Mosaïc Way"? A cause de la précision des dates, du livret documenté, des photos. Enfin, il existe des amateurs du concept Mosaïc qui font abstraction des goûts musicaux. J'ai du mal à croire que les 800 personnes qui achètent le jour de leur sortie à la fois le coffret Jimmie Lunceford et celui de Henry Threadgill, sont des fans des deux?
Alors le vinyle va rester?
Il ne mourra pas : il est trop agréable ("gentle to the ears") à écouter. Mais le CD, d'une façon générale, pousse aussi à une recherche documentaire qui éclaire la musique éditée. Avec la publication des inédits. Lui aussi va rester. Même si après 20 mn j'en ai marre. Je suis habitué au son plus doux du vinyle.
On connaît toutes les photos?
Oui mais pas toutes les perspectives. Voyez la sublime posture de John Coltrane sur la pochette de Blue Train. On possède un plan plus large. Quelle émotion! Pareil pour la couverture du disque No Room for Squares, de Hank Mobley. J'ignorais la perspective complète. Quelle heureuse surprise de la découvrir!
Que représente la photo?
L'instant d'une création importante pour la personne qui aime la session. L'image ajoute de l'histoire à l'enregistrement. La photo confère une autre forme de vie à l'enregistrement. Regardez la pochette de Blue Train. Admettez-le, nous sommes dans la poésie pure.
Le genre des notes au dos des pochettes, devenues livrets avec le CD, a-t-il évolué?
Effectivement. La grande réussite des notes d'un Nat Hentoff, ou d'un Robert Levin fut de laisser s'exprimer les artistes sur leurs musique. A mon sens, les citations des musiciens, leurs points de vue sur les créations, constituaient à elles seules un genre. Aujourd'hui l'attente du connaisseur se porte davantage sur les ressorts d'une session, sur les nouvelles informations, sur un surcroît de recherche. Il y a aussi la percussion des analyses. Je pense aux éclairages d'Ashley Kahn sur Miles Davis ou Coltrane. Le lecteur bénéficie d'une connaissance fine et meilleure des jazzmen.
Vous pouvez citer les projets en cours?
Nous travaillons sur l'intégrale des sessions DIAL, peu répandues, trop dispersées. Nous proposerons deux coffrets : un sur les années 40, un autre sur les années 50.
L'an prochain ce sera au tour du label de Chicago,Beehive, inexistant en CD, mises à part les sessions du chanteur Johnny Hartman. Enfin, un pianiste des années trente, le père du stride, dont me tient à coeur l'intégrale : James P Johnson. Voyez, il reste toujours des choses à réaliser...
Bruno Pfeiffer
LIVRE
Bruno Pfeiffer
LIVRE
The Blue Note Photographs of Francis Wolff
YELLOW KORNER éditions
(Edition originale de 1939 exemplaires, dédicacée par Wayne Shorter,
336 pages – 149 euros)
CD
The Classic Argo, Emarcy and Verve Buddy Rich Small Sessions(1953 à 1961) – Mosaïc/Universal Jazz (2006)
YELLOW KORNER éditions
(Edition originale de 1939 exemplaires, dédicacée par Wayne Shorter,
336 pages – 149 euros)
CD
The Classic Argo, Emarcy and Verve Buddy Rich Small Sessions(1953 à 1961) – Mosaïc/Universal Jazz (2006)
LEGENDES PHOTOS
Les dieux du jazz de Francis Wolff. De haut en bas :
Thelonious Monk, Clifford Brown, Sonny Rollins, Bud Powell, Jackie McLean, Joe Henderson, John Coltrane (couverture bleue du livre)
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